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An aerial picture shows a man walking on the dried-up bottom of the Banja hydro-power plant reservoir near Gramsh, central Albania on October 29, 2021. - Albania relies entirely on hydro-generated electricity and the uneven pattern of rains in the year makes it dependent on electricity imports. The hike of energy prices in Europe is affecting Albania too with government deciding to step in to support the state-owned enterprises from the budget in order to prevent tariff hikes for households and small businesses. (Photo by Gent SHKULLAKU / AFP)
GENT SHKULLAKU / AFP

Comment l’Homme modifie l’équilibre du climat sur la Terre

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Publié le 03 novembre 2021 à 06h57, modifié le 03 novembre 2021 à 15h04

Temps de Lecture 4 min.

Cet article a été initialement publié le 15 août 2018, mais était devenu inaccessible depuis. Nous avons décidé de le republier à l'occasion des négociations climatiques de la COP 26.

1880 - 1881

Une façon de mesurer la manière dont les humains bousculent le climat est d’observer le déséquilibre énergétique de la Terre (DET), ou Earth Energy Imbalance dans la langue de Newton. L’idée est ici de s’intéresser à la façon dont les quantités d’énergie reçues et réémises par le système climatique de la planète Terre peuvent être perturbées et passer d’un équilibre à un déséquilibre.

Sur des échelles de temps très longues et en l’absence de perturbation, le climat terrestre trouve un équilibre entre l’énergie entrante (celle du Soleil) et l’énergie sortante (celle qui est renvoyée dans l’espace). C’est ce que l’on appelle la température d’équilibre :

  • si un objet reçoit plus d’énergie qu’il n’en perd, sa température augmente ;
  • sa température augmentant, l’objet va perdre davantage d’énergie ;
  • l’équilibre est atteint lorsque l’énergie que perd l’objet est exactement compensée par l’énergie qu’il reçoit.

Jusqu’alors seules deux forces étaient capables de modifier cet équilibre. La première est naturellement le Soleil, dont l’activité peut croître et décroître, faisant varier la quantité d’énergie que reçoit notre petite planète. La deuxième est le volcanisme. Les éruptions majeures, comme celle du mont Pinatubo (Philippines) en 1991, éjectent des dizaines de millions de tonnes de particules à très haute altitude qui, au gré des vents, viennent couvrir le globe entier en quelques semaines et réfléchissent la lumière du Soleil. En moyenne, les cinq plus grandes éruptions du XXe siècle ont refroidi le climat terrestre de 0,25 °C.

Il existe une troisième force capable d’influencer le climat de la planète Terre : les humains. « L’influence humaine est désormais suffisamment forte pour perturber l’équilibre énergétique terrestre de manière manifeste », écrivent les auteurs d’une étude d’évaluation du DET menée par Karina von Schuckmann et son équipe, et publiée dans Nature en janvier 2016.

En effet, l’avènement de la machine à vapeur et, de facto, de l’industrie humaine dès la fin du XVIIIe siècle est venu bousculer cet équilibre, avec un ingrédient redoutable : les gaz à effet de serre, des composés capables d’absorber les rayons infrarouges et de retenir la chaleur dans le système terrestre et que les activités humaines vont rejeter de plus en plus au fur et à mesure des années et du développement économique mondial.

Comment l’homme perturbe l’équilibre énergétique de la Terre
Influence de différents facteurs sur l’équilibre du climat terrestre depuis 1750.
Le flux d’énergie (appelé « forçage radiatif ») est exprimé en watt par mètre carré.
Survolez pour mettre en évidence les facteurs :

humains

naturels

1750 - 2011

Bien sûr, toute l’énergie supplémentaire piégée par le système climatique de la planète doit bien être stockée quelque part. Mais où ? Voici les estimations actuelles :

93 % de cette énergie sont absorbés par les océans, surtout par les eaux peu profondes (à moins de 700 mètres de la surface) 4 % sont absorbés par les terres émergées et l’atmosphère 3 % sont absorbés par les glaces

Autrement dit, presque toute l’énergie solaire piégée sur Terre depuis 250 ans par les gaz à effet de serre émis par les humains a été absorbée par les océans, qui recouvrent 70,3 % de la surface terrestre. Une petite partie seulement l’a été par les terres émergées, l’atmosphère et les glaces (7 %). C’est pourtant cette faible part qui est responsable de presque l’intégralité du réchauffement mondial mesuré jusqu’à présent (+ 1 °C en 2017 par rapport aux températures moyennes de l’ère préindustrielle).

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La formidable masse d’eau des océans les rendant extrêmement lents à chauffer, eux-mêmes ralentissent le réchauffement climatique, de par leur inertie importante. Si la Terre comportait davantage de terres émergées, le réchauffement climatique aurait été autrement plus rapide – et donc plus destructeur encore pour les écosystèmes. Ainsi, même si nous réduisions nos émissions de gaz à effet de serre brutalement, de façon à retrouver une concentration de CO2 similaire au niveau préindustriel, les eaux océaniques continueraient à lentement relâcher la chaleur emmagasinée.

La menace est d’autant plus réelle que le rythme auquel les océans absorbent le surplus d’énergie provoqué par les humains croît de façon spectaculaire et n’a jamais été aussi haut. Ceux-ci ont absorbé autant d’énergie entre 1997 et 2015 que depuis 1860, d’après une étude menée par Peter Glecker et son équipe et publiée dans Nature en janvier 2016. Ces travaux d’analyse, fondés sur plusieurs centaines de modèles climatiques, suggèrent pour la première fois que les couches les plus profondes de l’océan, celles situées à plus de 2 000 mètres de profondeur, au-delà des capacités de mesure des balises Argo qui parcourent les océans, se réchauffent également à grande vitesse. « Ces travaux montrent que les « signaux » du changement du climat s’intensifient avec le temps, et que davantage de ces “signaux” se trouvent dans les profondeurs de l’océan », selon le docteur Matt Palmer, océanographe au centre Hadley du service météorologique britannique (Met Office). « L’étude confirme que le réchauffement des océans a continué au rythme attendu, le “hiatus” n’est qu’un phénomène de surface. La Terre se réchauffe toujours, et les océans ont absorbé l’essentiel de cette chaleur. »

Les océans ont absorbé autant d’énergie en dix-huit ans que depuis 1860
Pourcentage de changement de la chaleur absorbée au niveau mondial par les océans entre 1860 et 2015. Calculé d’après la comparaison de modèles climatiques (CMIP5).
  •  0 - 700 m
  •  700 - 2000 m
  •  + 2000 m
1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 100% 80% 60% 40% 20% 0 50 % en 1997

En raison de la capacité des océans à stocker ce surplus d’énergie, ce qui agit comme un tampon, les températures moyennes de surface « ne sont pas un bon indicateur du réchauffement climatique sur ces échelles de temps », conclut Karina von Schuckmann. La question de savoir comment elle est absorbée et par quels composants est cruciale pour les scientifiques, car elle permet de beaucoup mieux comprendre comment va évoluer le climat dans les décennies à venir.

Méthodologie et données

Les données présentées dans le premier graphique sont issues de la simulation d’un modèle climatique, appelé « ModelE2 » et créé par le Goddard Institute for Space Studies de la NASA (GISS). Un modèle climatique est un programme complexe exécuté sur des superordinateurs pour simuler le climat terrestre et son évolution future. Les résultats de cette simulation ont été publiés par le GISS en 2012 dans le cadre d’une comparaison entre modèles climatiques (appelé CMIP5, ou Coupled Model Intercomparison Project, Phase five), qui a ensuite servi à écrire le cinquième rapport d’évaluation du GIEC publié en 2014. Les bandes entourant les courbes représentent l’intervalle de confiance à 95 %, c’est-à-dire que 95 % des simulations faites tombent dans cet intervalle.

Les données du second graphique proviennent d’un article publié en 2013 dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics. Notre travail s’est inspiré de celui de Bloomberg, publié en 2015 (« What’s warming the world? »).

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